Intérêt des technologies membranaires en Afrique

Gilbert_Rios_scientifique_membranaire_200Par Gilbert Rios

Président de la « Chaire Unesco Simev » dédiée aux sciences des membranes appliquées à l’environnement.

Président de « European Membrane House »

Les technologies membranaires sont très bien placées pour limiter les pertes humaines (mortalités maternelles et infantiles) et financières dues aux maladies d’origine hydrique. Outre la qualité supérieure de l’eau, leur durabilité, modularité, et adaptation au solaire photovoltaïque attestent qu’elles peuvent jouer un rôle essentiel pour le développement socio-économique de l’Afrique.

Aclaira

Qualité de l’eau

Pour de nombreux pays africains, les rapports officiels établissent que 80% des maladies sont d’origine hydrique – avec une forte influence des microorganismes. En Afrique de l’Ouest, 20% des enfants meurent avant d’avoir atteint l’âge de 5 ans, principalement à cause de ces maladies. Les technologies membranaires garantissent une consistance inégalée dans la qualité des eaux traitées.

Dans les campagnes disposant de peu de moyens techniques et humains, les technologies membranaires, grâce à leur fiabilité et leur simplicité d’exploitation, permettent d’atteindre à coup sûr les recommandations de l’OMS en termes de qualité microbienne et chimique de l’eau de boisson.

Accès à l’eau, contexte géographique et appréciation des coûts

Plus de 60% de la population africaine vit en milieu rural. Compte tenu de l’insalubrité des eaux de surface, ce sont les eaux souterraines (puits, forages, etc.) qui sont très souvent consommées. Dans les zones (semi) arides et désertiques, les décideurs optent pour l’installation de châteaux d’eau équipés de pompes (solaires) pour assurer le stockage et la distribution de cette eau brute. Pourtant ces montages coûtent plus chers que les technologies membranaires sans garantir la potabilité de l’eau.

Au Mali, dans la région de Douentza, le Centre National pour l’Energie Solaire a estimé à 80.000 USD le coût d’installation d’un château d’eau (réservoir de 15 m3 ; pompe solaire ; profondeur de forage de 60 mètres) construit pour une population de 1.000 habitants. Ces coûts dépassent ceux des technologies membranaires de même capacité (10.000-30.000 USD) et la qualité de l’eau distribuée par ces châteaux n’offre aucune garantie de potabilité !

Les techniques de filtration membranaire (micro- et ultrafiltration) se substituent au forage là où l’eau de surface est disponible (rivière, mare, oasis, etc.) Lorsque l’accès à l’eau n’est possible que par un forage, les technologies membranaires de nanofiltration/osmose inverse complètent idéalement celui-ci. L’investissement du forage est à tout coup rentabilisé même si l’eau est saumâtre ou contient des contaminants chimiques toxiques (fluor, arsenic, nitrates, excès de sel). Sinon, la seule alternative est d’abandonner le forage. Le forage peut ainsi être fait au plus près du lieu de vie de la communauté sans avoir à optimiser le prélèvement dans la couche géologique. En ce moment ceci se fait au prix de distances parfois considérables pour transporter l’eau et la probabilité de réussite n’est jamais entière.

Certains forages abandonnés pour cause d’eau contaminée chimiquement peuvent être ressuscités grâce aux technologies membranaires. Effectivement, les technologies membranaires offrent la possibilité de réduire considérablement les distances pour l’accès à l’eau potable. Ainsi, les enfants et adultes qui vont chercher l’eau peuvent économiser des kilomètres de marche et se consacrer à d’autres activités – telles que se rendre à l’école.

Arrangement modulaire des technologies membranaires et couplage avec les énergies renouvelables

Le caractère modulaire des technologies membranaires est parfaitement adapté aux distributions démographiques très larges que l’on retrouve en Afrique. Ainsi les systèmes membranaires peuvent être dimensionnés pour répondre de façon adaptée aux besoins communautaires. Les stations d’eau potable conventionnelles n’offrent pas cette flexibilité.

Création de valeur

Limitation de la dépendance énergétique – le couplage des technologies membranaires aux systèmes solaires photovoltaïques permet de réduire l’utilisation et la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. C’est aussi le moyen de développer du savoir-faire à l’échelle des villages, et de contenir l’exode rural.

Formation – Les décideurs locaux sont extrêmement attentifs aux stratégies susceptibles de promouvoir l’acquisition de nouvelles compétences tout en favorisant le développement. Les technologies membranaires et énergies renouvelables répondent à ces attentes car elles supportent la consolidation des programmes scolaires et des échanges universitaires et favorisent la création de nouveaux métiers (installation, maintenance, réparation des équipements, etc.).